Pension alimentaire
Qu’est-ce que la pension alimentaire ?
La pension alimentaire est le montant qui est versé par un des deux ex-époux à son ex-conjoint pour que ce dernier puisse subvenir à ses propres besoins. Il ne faut pas confondre la notion de pension alimentaire avec celle de contribution alimentaire qui concerne le montant que l’un des parents verse à l’autre parent relativement à leurs enfants communs.
Nous allons ici analyser la notion de pension alimentaire après le prononcé du divorce pour cause de désunion irrémédiable. En effet, le conjoint le plus faible d’un point de vue économique peut estimer, après le prononcé du divorce pour désunion irrémédiable, qu’il est en droit de bénéficier d’une pension alimentaire que son ancien conjoint devrait lui verser mensuellement. Demander une pension alimentaire ne signifie pas pour autant l’obtenir …
La réforme du divorce a révolutionné les dispositions relatives à la pension alimentaire après divorce. Examinons les nouvelles règles en nous posant les trois questions suivantes :
- Qui a droit à une pension alimentaire ?
- Quel est le montant de la pension alimentaire ?
- Quelle est la durée du bénéfice de la pension alimentaire ?
1. Qui a droit à une pension alimentaire ?
Le conjoint demandeur (c’est-à-dire celui qui demande l’octroi d’une pension alimentaire) doit démontrer :
- qu’il se trouve dans une situation économique (revenus, charges et facultés) qui est inférieure à celle de son conjoint
- qu’il se trouve « dans le besoin ».
Il ne doit plus prouver que son époux a commis une faute.
Cependant, le conjoint demandeur sera privé de son droit à une pension alimentaire si le conjoint défendeur (c’est-à-dire celui à qui le paiement d’une pension alimentaire est réclamé) parvient à démontrer que l’on se trouve dans un des trois cas suivants :
- le conjoint demandeur a commis une faute grave
- le conjoint demandeur a commis des violences conjugales
- le conjoint demandeur a contribué à la création de l’état de besoin.
a. Faute grave
L’article 301, §2 , alinéa 2 du Code civil dispose que « le Tribunal peut refuser de faire droit à la demande de pension si le défendeur prouve que le demandeur a commis une faute grave » envers son conjoint.
La « faute grave » peut être définie comme étant la faute qui a rendu impossible la poursuite de la vie commune. Pour que la notion de « faute grave » puisse être retenue, il faudra donc que le conjoint défendeur démontre que le conjoint demandeur a commis :
- un fait fautif
- un fait grave
- qui présente un lien de causalité avec la séparation et/ou son maintien.
En d’autres termes, il faut que l’époux défendeur démontre que son conjoint a commis un fait fautif et que ce fait fautif a rendu impossible la poursuite de la vie commune.
Prenons l’exemple de l’adultère. Il ne fait aucun doute qu’il s’agit, en principe, d’un fait fautif puisqu’il viole l’obligation de fidélité qui existe entre époux. Encore faut-il, pour que la notion de « faute grave » puisse être retenue, que cette faute ait été grave au point de « rendre impossible la poursuite de la vie commune ». Or, il existe de nombreux couples qui survivent malgré l’existence d’un adultère !
Précisons encore qu’il faudra également que le conjoint défendeur démontre qu’il a eu connaissance du fait fautif et grave avant que la désunion irrémédiable n’ait été consommée. Ainsi, le conjoint demandeur ne sera pas privé de son droit d’obtenir une pension alimentaire si le conjoint défendeur ne démontre pas qu’il avait connaissance du fait fautif et grave avant que se produise la désunion irrémédiable du couple. Cela nous paraît logique puisque, pour que la faute puisse être qualifiée de « grave », il faut que le comportement reproché ait rendu impossible la poursuite de la vie commune. Or, si la désunion irrémédiable était déjà acquise avant qu’un des époux commette le fait fautif, celui-ci ne peut avoir rendu impossible la poursuite de la vie commune qui était déjà, par définition, devenue impossible.
Retenons donc que le Juge devra apprécier tant la réalité du comportement invoqué que son double caractère fautif et grave. S’il les admet, le créancier d’aliments sera privé de son droit à la pension alimentaire après divorce. Comme vous l’aurez compris, un véritable débat va s’instaurer, avec d’importants enjeux financiers, quant à savoir si le conjoint demandeur a ou non commis une faute grave. Vous aurez également remarqué que si la notion de faute a disparu pour obtenir le divorce, elle est toujours bien présente quand on débat de la question de la pension alimentaire après divorce.
b. Violences conjugales
L’article 301, § 2, alinéa 3 du Code civil dispose que « en aucun cas, la pension alimentaire n’est accordée au conjoint reconnu coupable » de violences conjugales. En d’autres termes, le conjoint demandeur est privé de son droit d’obtenir une pension alimentaire s’il est reconnu coupable de violences conjugales. Il s’agit d’un cas dans lequel le législateur a lui-même estimé que les faits de violences conjugales étaient constitutifs d’une « faute grave » de sorte que le Juge ne peut plus apprécier cette notion.
Il faut cependant noter que le législateur a imposé des conditions strictes, à savoir l’existence d’une condamnation pénale définitive pour des faits de violence à l’égard de son conjoint. La déchéance du droit à la pension alimentaire dépend de la déclaration définitive de culpabilité par un tribunal et nullement du prononcé d’une peine. Ainsi, le prévenu qui bénéficierait d’un sursis ou d’une suspension du prononcé ne pourra pas non plus bénéficier du droit à la pension alimentaire après divorce. Sa culpabilité reconnue par le tribunal suffit à le priver de son droit à la pension alimentaire après divorce.
c. Création de l’état de besoin
Lorsque « l’état de besoin » est invoqué par un des époux pour solliciter l’octroi d’une pension alimentaire après divorce, il y a lieu de vérifier si cet « état de besoin » n’a pas été créé par celui qui se prétend créancier d’aliments. On pense ici au conjoint qui a volontairement décidé pendant le mariage et surtout après la dissolution de celui-ci, de ne pas agir en vue de se procurer une source de revenus.
Notons toutefois qu’au cas où le conjoint demandeur a volontairement créé son « état de besoin » en ne se procurant pas une source de revenus pendant le mariage, il pourra opposer, pour conserver son droit à la pension alimentaire, les deux moyens de défense suivants :
- Le conjoint demandeur peut démontrer que son choix est la conséquence d’une décision commune des deux conjoints. Il devra cependant démontrer que les circonstances qui avaient conduit les époux à s’accorder sur l’absence d’activité lucrative dans son chef persistent au moment où il formule sa demande d’octroi d’une pension alimentaire.
- Le conjoint demandeur peut démontrer que ce sont les « besoins de la famille » qui lui ont fait renoncer à promériter des revenus. Le législateur n’a pas défini la « famille » mais nous pensons pouvoir lui attribuer une définition large comprenant non seulement les enfants communs en bas âge mais aussi des enfants issus d’une précédente union ainsi que les pères, mères ou grands-parents. A nouveau, le Juge ne pourra retenir cette cause d’excuse que si elle continue à priver le conjoint d’obtenir des revenus au moment où il sollicite l’octroi d’une pension alimentaire. Si la « famille » ne nécessite plus l’intervention du conjoint demandeur, le Juge devra examiner si la période d’inactivité a dégradé durablement la possibilité pour le conjoint demandeur de se procurer des revenus.
2. Quel est le montant de la pension alimentaire ?
Contrairement à ce qui était prévu avant la réforme du divorce, le montant de la pension alimentaire ne doit plus conduire à maintenir intégralement le niveau de vie qui était celui des époux durant la vie commune. Le montant de la pension alimentaire doit couvrir l’état de besoin. La Cour de cassation a précisé que le niveau de vie des parties durant la vie commune sera pris en considération pour apprécier cet état de besoin lorsque la dégradation de la situation de l’ex-époux demandeur résulte directement des choix opérés par les époux durant le mariage (comme renoncer à développer un projet professionnel pour s’occuper des enfants) ou, à défaut, si des circonstances particulières (très longue durée du mariage, …) sont démontrées.
Examinons avec plus de précision les critères qui permettent de fixer le montant de la pension alimentaire.
a. Au minimum, la couverture de l’état de besoin
L’article 301, § 3, alinéa 1 du Code civil dispose que « le tribunal fixe le montant de la pension alimentaire qui doit couvrir au moins l’état de besoin du bénéficiaire ». Le montant de la pension alimentaire doit donc permettre, en tout état de cause, au conjoint demandeur de payer ce qui est nécessaire pour couvrir les besoins élémentaires de la vie.
b. Au-delà du besoin en cas de dégradation significative de la situation du bénéficiaire
L’article 301, § 3, alinéa 1 du Code civil dispose également que le tribunal tient compte « de la dégradation significative de la situation économique du bénéficiaire ».
Le législateur a visé notamment la situation suivante. Au moment du mariage, le conjoint demandeur jouissait d’une situation économique donnée, au moins en germes. Pendant le mariage, cette situation s’est dégradée car ce conjoint a consacré son temps aux tâches familiales. Dans ce cas, l’époux le plus fortuné doit compenser cette dégradation de la faculté de se procurer des revenus en allouant au conjoint demandeur un montant supérieur à ce qui est nécessaire pour couvrir les besoins élémentaires de la vie.
La jurisprudence de la Cour de cassation ne retient par contre la dégradation de la situation économique du bénéficiaire résultant du divorce lui-même et donc du fait que les ex-époux ne mettent plus en commun leurs ressources tout en partageant leurs charges que dans des circonstances exceptionnelles.
c. La limite du tiers des revenus de l’ex-époux défendeur
L’article 301, § 3, alinéa 2 du Code civil dispose que « la pension alimentaire ne peut excéder le tiers des revenus du conjoint débiteur ».
Pour un salarié, il faut entendre par « revenus » le montant net perçu après déduction des charges sociales et fiscales. Pour l’indépendant, la question est plus complexe et implique que le juge procède à une estimation des avantages économiques réels générés par son activité professionnelle (émoluments, avantages en nature, dividendes, frais mixtes déduits, bénéfices reportés, …).
Pendant que la pension alimentaire reste due, différents éléments peuvent intervenir et influencer son montant. Examinons les.
a. De la dégressivité
Le Juge peut fixer une pension dégressive au cours du temps. En effet, le magistrat pourra estimer qu’en tenant compte notamment du marché du travail, des éventuelles qualifications du conjoint demandeur ainsi que des possibilités de formation professionnelle, il y a lieu d’allouer une pension dégressive afin d’inciter le conjoint demandeur à retrouver dès que possible une autre source de revenus.
b. Indexation
L’article 301, § 6, alinéa 1 du Code civil dispose que « le Tribunal qui accorde la pension constate que celle-ci est adaptée de plein droit aux fluctuations de l’indice des prix à la consommation. ».
La pension alimentaire après divorce est donc automatiquement indexée annuellement.
c. Révision
L’article 301, § 7, alinéa 1 du Code civil dispose que « le Tribunal peut augmenter, réduire ou supprimer la pension dans le jugement prononçant le divorce ou par une décision ultérieure si, par suite de circonstances nouvelles et indépendantes de la volonté des parties, ce montant n’est plus adapté ».
3. Quelle est la durée de l’octroi de la pension alimentaire ?
La réforme du divorce de 2007 a instauré une nouvelle règle relative à la durée pendant laquelle la pension alimentaire est due. Le législateur a estimé que, en principe, l’octroi de la pension alimentaire ne peut dépasser la durée du mariage. Mais à toute règle ses exceptions…
Voyons tout cela plus en détails :
a. Principe : limitation à la durée du mariage
L’article 301, § 4, alinéa 1 du Code civil dispose que « la durée de la pension ne peut être supérieure à celle du mariage ».
Le législateur a voulu qu’en règle générale, le Juge limite à la durée du mariage la durée de l’octroi d’une pension alimentaire après divorce.
b. Exception : possibilité d’une durée plus courte que la durée du mariage.
Le juge peut également décider que la pension alimentaire sera due pendant une durée plus courte que la durée du mariage. Il agira ainsi notamment lorsqu’il estime que le créancier d’aliments peut retrouver des revenus suffisants avant l’écoulement d’un délai égal à la durée du mariage.
c. Exception : prolongation du délai
L’article 301, § 4, alinéa 2 du Code civil dispose que « en cas de circonstances exceptionnelles, si le bénéficiaire démontre qu’à l’expiration du délai visé à l’alinéa 1, il reste, pour des raisons indépendantes de sa volonté, dans un état de besoin, le tribunal peut prolonger le délai. Dans ce cas, le montant de la pension correspond au montant nécessaire pour couvrir l’état de besoin du bénéficiaire » .
S’il est logique de lier la durée de l’octroi d’une pension alimentaire à la durée du mariage, des circonstances exceptionnelles peuvent justifier que le juge soit amené à décider que la durée de l’octroi de la pension alimentaire après divorce soit supérieure à celle du mariage. Nous pensons, par exemple, à des époux qui se seraient mariés à 40 ans et qui divorceraient à 60 ans. Dans ce cas, on peut raisonnablement estimer qu’à 80 ans, le conjoint demandeur ne bénéficiera pas de revenus (notamment professionnels). Le Juge pourra dès lors estimer que les circonstances sont exceptionnelles de sorte qu’il augmentera le délai au-delà de la durée du mariage.
d. Exception : remariage du créancier d’aliments
L’article 301, § 10, du Code civil dispose que « la pension prend, en toute hypothèse, définitivement fin en cas de remariage du bénéficiaire de la pension ou au moment où ce dernier fait une déclaration de cohabitation légale, sauf convention contraire des parties. Le juge peut mettre fin à la pension lorsque le bénéficiaire vit maritalement avec une autre personne ».
En d’autres termes, le droit à la pension alimentaire s’éteint dès que le conjoint demandeur se remarie ou fait une déclaration de cohabitation légale. S’il vit en concubinage (ce que le législateur appelle une « vie maritale »), ce sera au juge à apprécier s’il y a lieu de mettre fin à l’octroi de la pension alimentaire après divorce.